jeudi 15 avril 2021

Le poids du sport dans la propagande finlandaise durant la guerre d’Hiver

 Avant que la guerre d’Hiver éclate le 30 novembre 1939, la Finlande est déjà sous les feux des projecteurs de la presse internationale par ses négociations forcées avec l’Union Soviétique à partir d’octobre de la même année. En effet, le régime totalitaire tente d’obtenir des concessions de la part de la Finlande et dans le même temps masse des centaines de milliers de soldats à leurs frontières communes pour faire pression. La Finlande refuse toute forme de compromis tout au long des échanges avec l’URSS. Cependant, avant que la guerre ne soit déclenchée, par sa propagande, la Finlande cherche à donner une image positive du pays : nous nous intéressons ici au cas des sportifs, qui, comme l’écrit Match, « ne sont plus que des soldats » (Match, n°68, 19 octobre 1939)

Cette dernière phrase est issue d’un dossier de six pages consacré à la Finlande, lequel recense quatre athlètes de l’époque qui se trouvent au cœur de la propagande finlandaise. On retrouve d’abord Paavo Nurmi (1897-1973), un retraité du monde de l’athlétisme, qualifié comme « le plus extraordinaire coureur à pied que le monde ait connu » ayant rejoint les forces armées finlandaises en tant qu’instructeur d’infanterie. Ensuite, Matti Järvinen (1909-1985), « inamovible recordman du monde du javelot » à son époque, devenu aviateur de chasse. Le troisième, Taisto Mäki (1910-1979), désigné par le journal « comme le successeur de Nurmi [et qui] aurait été la grande attraction des Jeux olympiques de Helsinki [de 1940]», qui était désormais fantassin. Et enfin, Lauri Lehtinen (1908-1973), un autre coureur, qui avait déjà battu Nurmi à une reprise par le passé et qui fût champion olympique des dix mille mètres, avait rejoint l’armée finlandaise au poste de mitrailleur de tank.

Ces sportifs participent à la construction de l’image d’une Finlande sportive. D’ailleurs, dans le dossier de Match en question, il y a un passage montrant que les femmes de ce pays le sont également. Le sport, et en particulier l’athlétisme, comme l’écrit l’Auto (l’ancêtre de L’Equipe) du 17 novembre 1939 est « l'affiche publicitaire n°1 au ‘Pays aux mille lacs’ » et participe grandement à la promotion de la Finlande à l’échelle internationale. Ce journal titre le 20 octobre 1939 «la plus grande nation sportive » à propos de la Finlande, qui devait organisé les Jeux Olympiques de 1940, en se référant à une brochure de propagande, qui a pour titre « La Finlande Pays olympique » et qui selon le journal, ne fait « que proclamer cette vérité que la Finlande est la plus grande nation sportive du monde ».

Parmi ces noms, un revient souvent, notamment dans l’Auto, celui de l’emblématique Nurmi. En effet, l’homme, jouissant d’une aura certaine, participe à des tournées mondiales visant à sensibiliser le public sur la situation finlandaise ainsi qu’à obtenir des aides de la part des pays alliés ou neutres. Il participe aussi à la guerre qui débute le 30 novembre 1939. Dans un article datant du 26 décembre 1939, un correspondant du journal à Oslo (Norvège) narre un de ses actes de bravoure : alors que les premières bombes des Russes tombent sur Helsinki, l’ancien athlète monte dans sa voiture pour se rendre dans son magasin, d’où il emmène six employés qui se trouvaient sur place pour les mettre en lieu sûr. Par la suite, et ce pendant « quarante-huit heures sans arrêt », Nurmi amène avec lui d'autres citadins et participe à l’évacuation de la population.

Ce billet n’épuise pas le sujet du lien entre l’image d’une Finlande sportive avec la guerre qui se déroule dans l’Europe de l’Est et septentrionale.


Julien Neuville

L’auteur est doctorant au laboratoire ERLIS et vacataire à l'université de Caen-Normandie.

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