Malgré
quelques coups de froids inattendus, le printemps est bien arrivé en France.
Les paysages sont verts, colorés de fleurs ; le temps est doux, le gens se
promènent sans foulards, les plus hardis même en t-shirts et shorts. Pour quelqu’un
qui a grandi dans un pays nordique, ce sont des signes de l’été…
Dans
le roman Populärmusik från
Vittula (2000, Musique populaire de
Vittula, non traduit), l’auteur suédois Mikael Niemi se souvenait des cours
de biologie dans son enfance dans la région de la Tornédalie. Les manuels que
les enfants lisaient dans la classe parlaient de chênes, de hérissons et de
rossignols, plantes et animaux totalement absents du rude paysage qui
s’étendait autour de leur école. La description du manuel censée représenter la nature suédoise était calquée sur le
climat et la géographie du sud du pays. Elle restait, pour les enfants du nord,
étrangère, presque aussi exotique qu’un passage dans un récit de voyage en
Afrique.
Les
saisons varient bien évidemment en fonction du lieu. La société et la culture confèrent
des significations et des valeurs aux différences que la nature offre. Nous
vivons ainsi dans un monde où un arbre qui reverdit est un signe de printemps
pour un habitant de la Scanie dans le sud de la Suède et celui d’été pour un
Tornédalien dans le nord, où le premier célèbre la fin de l’hiver par un verre
de vin sur une terrasse ensoleillé et le second par une dernière excursion en
skis. Dans Alberte og Jacob (1926,
trad. fr. Alberte et Jacob),
l’écrivaine norvégienne Cora Sandel raconte comment une famille de Tromsø
se réunissait solennellement chaque année vers le 20 janvier pour observer les
premiers rayons de soleil qui marquent la fin de la nuit polaire. A Helsinki,
la mer se couvre d’une couche de glace permanente vers la même période et le
vrai hiver commence. On peut finalement sortir les skis et les patins et partir
découvrir l’archipel couvert de neige.
La nature unit, mais divise aussi. Participer à un rite social lié à une saison particulière (que ce soit le verre de vin sur la terrasse ou l’excursion en skis) ou retrouver ses sensations d’enfance dans un texte littéraire créent un sentiment d’appartenance. Tomber de ses skis au premier virage alors que les autres continuent sans difficultés ou vanter à ses amis du sud la chaleur du premier jour estival quand le thermomètre grimpe à +15° produisent l’effet inverse.
Il n’y a pas que quatre saisons. Le printemps n’est pas le même en France et en Suède, ni dans le sud des pays nordiques et dans le nord. Apprendre à comprendre et à accepter ces différences est essentiel pour quiconque veut connaître les pays étrangers. C’est peut-être ce qu’il y a de plus difficile : le climat et les saisons, la lumière et l’ensoleillement nous touchent directement au corps.
Harri Veivo
L’auteur est professeur au Département d’études nordiques de
l’Université de Caen Normandie.
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