Alors que
Skepticism connaît un succès grandissant dans le monde du metal
depuis, un documentaire The March :
Skepticism Documentary (2018),
réalisé par Janne Kannisto et paru sur Youtube en avril 2018, met
en vedette le groupe finlandais[1].
Fondé en
1991 à Riihimäki, dans le sud de la Finlande, Skepticism - composé
de Matti Tilaeus au chant, de Jani Kekarainen à la guitare, d’Eero
Pöyry aux claviers et à l’orgue ainsi que de Lasse Pelkonen à la
batterie - est un des pionniers du funeral doom metal. Ce genre
musical, en marge du courant metal et plutôt peu représenté en
nombre de groupes dans le monde, propose une esthétique stylistique
plutôt singulière : une musique d’une lenteur extrême, avec
un tempo souvent bien en dessous des 60 battements/minute (ou BMP),
des guitares enterrées avec une forte distorsion, un
« hurlé-chanté »[2]
guttural et caverneux, typiquement death metal, ainsi que une intense
utilisation de l’orgue pour créer des atmosphères contrastées
souvent austères et glaciales.
Dans le
documentaire, les membres du groupe évoquent aussi bien leur manière
de créer la musique et leur choix esthétique, que l’arrière-fond
de leur création musicale, c’est-à-dire la nature finlandaise.
Celle-ci est d’abord évoquée dans son aspect inspirateur :
le groupe créé sa musique en marchant dans la forêt dans laquelle
ils ont enterrés les premières copies de leur album Stormcrowfleet
(1995). Dans un second temps,
lorsque le groupe évoque ses thèmes musicaux, les membres précisent
qu’ils viennent essentiellement de la vie de tous les jours et de
la nature finlandaise. Pour le chanteur du groupe, il se dégage de
celle-ci une certaine beauté et un certain mysticisme au point que
la nature joue un rôle dans la mentalité finlandaise.
En outre,
Tilaeus connecte la musique avec les saisons car, selon ses mots,
Skepticism se réveille lorsque l’automne arrive et l’obscurité
s’accroît. Cet aspect saisonnier se trouve dans le discours des
membres du groupe lorsqu’ils considèrent la création de leurs
albums : chacun des albums est une carrière en soi, qui
s’achève lorsqu’un album est fini, pour recommencer quand ils en
composent un nouveau. Ce processus rappelle le cycle éternel des
saisons. Cependant, pour Lasse Pelkonen, le cycle de vie du groupe
s’achèvera cependant lorsqu’un des membres fera son entrée dans
le royaume des morts.
Par
sa connexion à la nature finlandaise et à son climat particulier en
hiver, l’esthétique stylistique du groupe ramène vers le
kaamosmasennus[3].
En effet, celle-ci met symboliquement en lumière le ralentissement
de la vie et son plongeon dans les entrailles de la Terre lorsque
l’ensoleillement décroît fortement et que le froid descendu
depuis l’Arctique fige la nature pour laisser la place à un monde
gelé et enneigé.
Il n’est
ainsi pas étonnant que Skepticism, tout comme Thergothon, un des
groupes finlandais fondateurs du funeral doom metal, explique que le
processus de « décélération »[4]
a été quelque chose de naturel pour eux. Leur approche musicale a
été une proposition musicale nouvelle dans le monde du metal.
Julien
Neuville
L'auteur est un étudiant en master 2 à l'université de Caen-Normandie.
[1] Voir : https://www.youtube.com/watch?v=HcOxHbfiqko
(consulté le 15.04.2019)
[2] Le « hurlé-chanté » est une proposition de Béranger
Hainaut dans son ouvrage Le Style Black Metal (Editions Aedam
Musicae, 2017, p.170) pour nommer le type de chant non-voisé dans
le metal extrême (death et black metal).
[3] « Dépression saisonnière » en finnois. Il s’agit
d’un trouble passager, proche de la dépression, qui intervient
durant la saison sombre.
[4] Pour aller plus loin à propos du « processus de
décélération » dans le doom metal dans : Conférence
du Modern Heavy Metal Conferences en 2015 : SCOTT, Niall, O'BOYLE
Tom, « Doom Metal Values : Deceleration, Promoting a
Philosophy of Progression through Opposites », téléchargeable
librement sur http://iipc.utu.fi/MHM/ (15.04.2019), pp.347-353
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