La botaniste Hanna
Resvoll-Holmsen (1873-1943) adhère à l’association norvégienne pour la
protection de la nature, Norges Naturvernforbund, dès
sa création en 1914. Grâce à son engagement, la rivière Sjoa peut
encore aujourd’hui suivre son cours naturel du lac Gjende jusqu’à ce qu’elle
rejoigne Gudbrandsdalslågen 98 km plus loin. Nous aimerions rendre hommage à cette
pionnière écologiste, peu connue de nos jours, qui mérite notre intérêt pour ses recherches botaniques remarquables.
Hanna Resvoll-Holmsen a
presque 30 ans lorsqu’elle commence ses études en botanique à l’université
d’Oslo. Encore étudiante, elle est la seule femme à participer en 1907 à une
expédition norvégienne dans l’archipel du Svalbard organisée et financée par le
prince Albert 1er de Monaco. Ce voyage lui permet de collectionner
des plantes dans les endroits où aucun chercheur n’avait mis ses pieds. Elle
débarque sur l’archipel équipée d’une tente, d’un fusil (au cas où les ours
polaires s’approchent) et d’une valise de botaniste pour travailler seule sur
le terrain. Elle
revient l’été suivant pour compléter ses recherches et pour faire des photos.
À la suite de ses
séjours, elle constitue une collection unique de plantes arctiques, qui est documentée en partie par des photos en couleur, ce
qui pour l’époque est une nouveauté. En 1910, elle termine sa thèse sur la
flore arctique, une étude qui, faisant partie des résultats de la campagne
scientifique du prince Albert au Svalbard, sera publiée en français.[1] Une bourse de l'état norvégien lui est accordée en 1915, ce qui lui
permet d’explorer de nouvelles méthodes statistiques pour faire des
classifications des régions botaniques. En 1920, elle publie
un ouvrage sur la végétation des montagnes de l’est de la Norvège qui est
considéré comme une étude pionnière dans le domaine de la sociologie des plantes.[2] Il a fallu attendre 1921 pour qu'elle obtienne un poste à l'Université d'Oslo où elle se consacre à l'enseignement de la géographie des plantes jusqu'en 1938. Au début du XXe siècle, les femmes sont encore très minoritaires
parmi les universitaires. Les sciences naturelles sont à l’époque les seuls domaines
où les femmes occupent des postes scientifiques en Norvège.[3]
Dans un article publié en
1917 par l’association norvégienne des randonneurs, Den Norske
Turistforening, Hanna
Resvoll-Holmsen se prononce pour une protection de Sjoa et de Gjende.[4] Elle craint que les
paysages majestueux de Jotunheimen soient dégradés par le projet
hydroélectrique proposé par l'état
norvégien, mais son argumentation n’est pas limitée aux conséquences
esthétiques de la construction d’une centrale hydroélectrique. Elle souligne
l’importance de préserver tout l’écosystème en désignant les intérêts
scientifiques, c’est-à-dire les valeurs
géologiques, zoologiques et botaniques menacées par le projet.
Même si l’opinion
publique au début du XXe siècle a une vision plutôt positive de l’exploitation
de l’énergie hydroélectrique (qui a permis à la Norvège d’établir une
importante industrie lourde et aussi de proposer une électricité peu chère aux
particuliers) Hanna Resvoll-Holmsen n’arrête pas de se battre. Elle continue de
publier des articles et de faire des conférences jusqu’à ce que le projet soit
abandonné en 1923. La protection définitive de Sjoa est adoptée en 1973. On
peut aussi mentionner que ses recherches sur la flore arctique contribuent à
l’obtention d’une protection de la nature du Svalbard en 1928.[5]
Hanna Resvoll-Holmsen est
l’une des nombreux universitaires norvégiens à avoir rejoint le mouvement écologiste. En
1970, le philosophe Arne Næss, également attaché à l’Université d’Oslo, participe
aux manifestations contre le projet hydroélectrique de Mardalsfossen. Malgré un
échec sur le fond, les écologistes sortent gagnants du conflit. Pour l’association
norvégienne pour la protection de la nature, Norges Naturvernforbund, ce
dernier conflit représente un nouveau départ ; l’association se débarrasse
d’une réputation d’être un club d’universitaires et réussit à augmenter le
nombre d’adhérents.
Jørn Riseth
Jørn Riseth
L’auteur est Maitre de langue de norvégien au Département d’études nordiques de l’université de Caen Normandie.
[1] Les
observations botaniques de la campagne scientifique de S.A.S. Le Prince Albert
1er de Monaco. La Mission Isachsen au Spitsberg 1907, Résultats des
campagnes scientifique accomplies sur son yacht par Albert Ier, prince
souverain de Monaco publiés sous sa direction. Fasc. 54. Exploration du
nord-ouest du Spitsberg entreprise par la mission Isachsen, Monaco
1913.
[2] Om Fjeldvegetationen i det
Østenfjeldske Norge, Arkiv for matematikk og naturvidenskap nr.
2/1920.
[3] Anne-Mette
Vibe. I de reale
damers tid. UiOs historie 25/10/2012
[4] Hanna Resvoll-Holmsen. Fra
Jotunheimen og dens forposter, i DNT Årbok, 1917
[5] Tor Bjarne Christensen. Norges
første miljøverner. Natur &miljø. 13.05.2013. https://naturvernforbundet.no/naturogmiljo/norges-forste-miljoverner-article29043-1024.html
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