Avec leur apparence gracile et frêle, les
insectes semblent peu résistants aux intempéries. On s’imagine que ceux ayant
un chez soi comme par exemple une fourmilière ou un nid de guêpes, s’y tiennent
compagnie pour résister au froid. Mais autant on est habitué à voir les
insectes réapparaître au printemps, autant leur vie pendant l’hiver reste un
mystère. Les insectes sont des animaux qui, par leur taille, leur morphologie
et leur comportement, sont très différents de grands mammifères comme nous, et
nous avons du mal nous à mettre à leur place. C’est peut-être pour cela que
nous découvrons avec retard qu’ils sont en train de disparaître de manière
définitive.
Selon une étude allemande récemment publiée,
le nombre d’insectes, toutes espèces confondues, a été réduit de 76% depuis 27
ans. Dans un entretien avec le quotidien norvégien Aftenposten,
l’entomologiste Frode Ødegaard de l’Institut norvégien de recherche naturelle
NINA confirme que d’autres études ont déjà montré que certaines espèces, comme
par exemple les abeilles, étaient menacées d’extinction. Il estime que les
résultats de cette nouvelle étude sont particulièrement inquiétants parce qu’il
s’agit d’une réduction générale du nombre d’insectes sur un vaste espace.
L’étude a été effectuée dans 63 réserves naturelles en Allemagne où les
conditions de vie des insectes sont à priori bonnes. Comme les insectes sont au
centre des chaines alimentaires, les conséquences de cette évolution risquent
d’être graves : Les insectes nourrissent d’autres animaux, ils contribuent
à détruire des matières organiques et ils sont indispensables pour la
pollinisation. Le ministre norvégien du climat et de l’environnement, Vidar
Helgesen, du parti conservateur Høyre, partage l’inquiétude des
chercheurs en disant que le gouvernement s’engagera à protéger les vieux chênes
creux. Logis pour une multitude d’insectes, ces arbres jouent un rôle important
pour préserver la biodiversité. En revanche, le ministre n’a rien dit sur
l’utilisation des pesticides considérée comme la menace la plus importante pour
les insectes.
Le sort des insectes est donc finalement
arrivé à l’ordre du jour des politiques en Norvège, et même la littérature
contemporaine s’en mêle. Le roman Une histoire des abeilles de Maja
Lunde, publié en traduction française par Les Presses de la Cité en 2017,
décrit les relations entre les abeilles et les hommes à trois moments
différents : Une première partie se passe en Angleterre en 1852 où un
scientifique dessine une ruche qui permet de récolter le miel sans traumatiser
les abeilles. Dans la deuxième partie on découvre les dégâts causés aux
abeilles par l’agriculture industrielle aux États-Unis en 2007. Ayant la forme
d’une dystopie, la troisième partie se passe en Chine en 2098, après la
disparition des abeilles. La pollinisation est faite à la main par des
travailleurs qui n’ont que des produits de substitution d’origine douteuse à
manger. Mettant en cause la tendance de l’homme à toujours vouloir dominer les
abeilles, Maja Lunde a réussi à sensibiliser un grand public à la situation
critique dans laquelle se trouvent les insectes. Son livre est le rare exemple
d’un roman à tendance écologique devenu un best-seller.
Jørn Riseth
L’auteur est Maître de Langue de Norvégien au
Département d’Études Nordiques de l’Université de Caen Normandie
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