vendredi 1 décembre 2017

La Finlande, les crises politiques et le concept de démocratie

Le gouvernement finlandais est plutôt bas dans les sondages (38% selon le dernier sondage du Helsingin Sanomat), et surtout sur les trois partis composants ce gouvernement, l’Avenir bleu (Sininen tulevaisuus) compte seulement environ 1,5% d’intentions de votes et cinq ministres sur les dix-sept en fonction.
Les élections présidentielles de janvier 2018 devraient voir le président actuel réélu au premier tour[1], ce qui serait inédit en Europe. Tout cela mène à s’interroger sur la question de la représentation démocratique et le concept de démocratie en Finlande .

Cette année la Finlande a connu une crise politique sans précédent. Un des partis au gouvernement, les Perussuomalaiset, s’est divisé à la suite de l’élection de son nouveau leader, Jussi Halla-aho, déjà condamné pour propos racistes. Les deux autres partis du gouvernement, la Coalition nationale et le Centre ont annoncé qu’ils ne souhaitaient pas gouverner avec Jussi Halla-aho à la tête des Perussuomalaiset. Juste avant que le Premier ministre, Juha Sipilä, ne remette la démission du gouvernement au président de la république, un nouveau groupe parlementaire, composé d’une vingtaine de dissidents des Perussuomalaiset, dont les cinq ministres issus du parti, annonçait sa création et sauvait le gouvernement .

La création de ce nouveau groupe a permis d’éviter une crise majeure mais  le problème est qu’une fois le parti divisé, ses soutiens le devenaient aussi. Effectivement, ce nouveau mouvement l’Avenir bleu (devenu officiellement un parti le 15 novembre), est extrêmement bas, environ entre 2,5 et 1,1% dans les sondages depuis juin[2]. Cela a engendré les critiques des partis d’opposition, notamment les Verts et l’Alliance de gauche, lesquels appelaient durant l’été à un changement de gouvernement et de nouvelles élections. L’argument mis en avant par l’opposition est le manque de démocratie tandis que le gouvernement répondait que rien n’allait à l’encontre de la constitution, laquelle exige un soutient de la majorité du parlement envers le gouvernement. Les députés des trois partis du gouvernement sont au nombre de 106, sur les 200 présents au parlement, ce qui assure une faible majorité.

Cette situation d’une scission d’un parti de coalition gouvernementale est une première dans l’histoire de la Finlande et interroge sur la représentation démocratique des citoyens mais aussi sur les institutions. En effet, à la vue des sondages avec 1,5% des voix, l’Avenir bleu n’aurait pas de siège au parlement ou au mieux un seul pour le candidat le plus populaire[3]. Dans ce cas ne serait-il pas plus démocratique d’avoir un changement de gouvernement plus représentatif ou de nouvelles élections ? Le fait de suivre la constitution est-il forcément démocratique ? Si la situation du gouvernement actuel n’est pas anticonstitutionnel, il faut aussi admettre que la constitution finlandaise ne prévoie pas ce cas particulier qui s’est déroulé cet été.

En ce qui concerne les élections présidentielles, j’ai pu aborder il a y peu la question de la popularité du président actuel, Sauli Niinistö, qui s’est encore accrue après l’annonce de la grossesse de son épouse, Jenni Haukio[4] . La « sur popularité » du président pose une question sur la portée des débats qui ont commencé début novembre. Si parmi les autres candidats, certains estiment que ces débats permettent d’amener leurs visions sur les sujets de politique étrangère, comme la question d’une potentielle adhésion à l’OTAN ou l’idée de la défense européenne, ainsi que de sensibiliser et d’amener dans le débat public ces sujets qui par la suite pourront continuer sous l’effet du militantisme, cet impact semble limité. En effet les critiques sur la politique et les actions menées par le président Niinistö ont été peu nombreuses pendant son premier mandat alors que justement les questions de politique étrangère mériteraient plus de débats et de critiques.

Dans une démocratie le débat et la critique (constructive) sont des éléments très importante pour amener à discuter des opinions divergentes et à trouver une solution, un compromis profitable à la majorité. Il faut également dans nos sociétés de démocratie parlementaire, qui par le biais du système des élections, donne le pouvoir du peuple directement à une élite représentative, que l’ensemble des citoyens soient entendus afin d’éviter des tensions.


Marie Cazes
L’auteure est doctorante à l’Université de Jyväskylä et de Caen-Normandie

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire