La poétesse finlandaise Tua Forsström vient d’être élue à
l’Académie suédoise. Forsström, qui appartient à la population suédophone de Finlande,
a débuté en 1972. Elle compte parmi les plus grands écrivains de sa génération
dans les pays nordiques. Lauréate de nombreux prix, elle a même eu un recueil entier
publié en France (Mais le chagrin est
dialectique, trad. C. G. Bjurström et L. Albertini, la Différence, 1989), fait assez rare pour être souligné, tant la poésie est devenue un genre
confidentiel aujourd’hui.
Au-delà de la carrière de Forsström, l’élection apporte une
reconnaissance méritée à la littérature suédophone de Finlande. Bien que de
nombreux écrivains finlandais aient eu des succès de librairie en Suède,
l’impression qui a souvent régné dans le monde littéraire suédophone de la
Finlande est celle d’oubli. Aux yeux de leurs collègues suédois, les auteurs
finlandais se sont sentis sous-estimés et réduits au rôle de « cousins
pauvres venus de Dieu sait où » comme l’écrivait Hagar Olsson en 1928.
Cette distance n’est pas uniquement géographique, mais aussi
linguistique et culturelle. Le vocabulaire et la prosodie du suédois de
Finlande sont légèrement différents par rapport à la Suède. Et le travail des
auteurs svécophones de Finlande reste souvent ancré dans la société où ils
vivent. Ce sont des récits sur la Finlande, non pas sur la Suède.
On peut situer l’élection de Forsström aussi dans le contexte
des scandales qui ont secoué la vénérable institution depuis le lancement de la
campagne #metoo. Elle occupera le siège laissé vacant par Katarina Frostenson,
poussée à la démission suite au procès contre son mari Jean-Claude Arnault qui
avait abusé de sa position de pouvoir dans le champ culturel suédois. Cette
crise a révélé de graves problèmes, mais elle peut avoir aussi l’effet positif
de contraindre l’Académie à se renouveler. Le choix d’un auteur finlandais est
un signal d’ouverture.
L’élection de Forsström n’a pas pu être publiée avant que le
roi de la Suède et le président de Finlande aient été consultés. Que la
littérature soit traitée comme une affaire d’État peut donner satisfaction
aux amoureux des belles lettres, mais on peut cependant se demander si de
telles procédures appartiennent vraiment au 21e siècle. L’Académie
doit suivre son temps.
Harri
Veivo
L’auteur
est professeur au Département d’études nordiques de l’Université de Caen
Normandie.
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