vendredi 15 février 2019

Tua Forsström à l’Académie Suédoise


La poétesse finlandaise Tua Forsström vient d’être élue à l’Académie suédoise. Forsström, qui appartient à la population suédophone de Finlande, a débuté en 1972. Elle compte parmi les plus grands écrivains de sa génération dans les pays nordiques. Lauréate de nombreux prix, elle a même eu un recueil entier publié en France (Mais le chagrin est dialectique, trad. C. G. Bjurström et L. Albertini, la Différence, 1989), fait assez rare pour être souligné, tant la poésie est devenue un genre confidentiel aujourd’hui.


Au-delà de la carrière de Forsström, l’élection apporte une reconnaissance méritée à la littérature suédophone de Finlande. Bien que de nombreux écrivains finlandais aient eu des succès de librairie en Suède, l’impression qui a souvent régné dans le monde littéraire suédophone de la Finlande est celle d’oubli. Aux yeux de leurs collègues suédois, les auteurs finlandais se sont sentis sous-estimés et réduits au rôle de « cousins pauvres venus de Dieu sait où » comme l’écrivait Hagar Olsson en 1928.

Cette distance n’est pas uniquement géographique, mais aussi linguistique et culturelle. Le vocabulaire et la prosodie du suédois de Finlande sont légèrement différents par rapport à la Suède. Et le travail des auteurs svécophones de Finlande reste souvent ancré dans la société où ils vivent. Ce sont des récits sur la Finlande, non pas sur la Suède.

On peut situer l’élection de Forsström aussi dans le contexte des scandales qui ont secoué la vénérable institution depuis le lancement de la campagne #metoo. Elle occupera le siège laissé vacant par Katarina Frostenson, poussée à la démission suite au procès contre son mari Jean-Claude Arnault qui avait abusé de sa position de pouvoir dans le champ culturel suédois. Cette crise a révélé de graves problèmes, mais elle peut avoir aussi l’effet positif de contraindre l’Académie à se renouveler. Le choix d’un auteur finlandais est un signal d’ouverture.

L’élection de Forsström n’a pas pu être publiée avant que le roi de la Suède et le président de Finlande aient été consultés. Que la littérature soit traitée comme une affaire d’État peut donner satisfaction aux amoureux des belles lettres, mais on peut cependant se demander si de telles procédures appartiennent vraiment au 21e siècle. L’Académie doit suivre son temps.



Harri Veivo

L’auteur est professeur au Département d’études nordiques de l’Université de Caen Normandie.

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