Les corbeaux croassent, les aigles glatissent, les alouettes grisollent,
les chouettes hôlent, les hirondelles trissent, les rossignols rossignolent,
les canards nasillent, les hiboux ululent, les coucous coucouent, les cailles
carcaillent, les bécasses croulent et le merle, il jase. Le riche
vocabulaire pour distinguer les sons vocalisés des oiseaux pourrait laisser
l’impression que tous les individus appartenant à une espèce chantent d’une manière
identique. Que nenni ! Ce billet vise à désarçonner l’idée reçue selon
laquelle les oiseaux seraient dépourvus d’individualité.
Dans son grand ouvrage, Histoire des peuples du Nord, l’évêque
suédois Olaus Magnus (1490 - 1557) consacre un chapitre aux oiseaux. Il observe
que l'alouette calandre (Melanocorypha
calandra) amuse son public en imitant le chant de tous les autres oiseaux.
Selon Olaus Magnus, « elle prend un tel plaisir à jouer les rôles chantés par
d’autres oiseaux qu’elle ne se soucie pas d’elle-même. » À propos du
rossignol il écrit que ce petit passereau de la famille des muscicapidés n’est
pas seulement naturellement doué, mais il est un véritable artiste. Chaque individu
dispose d’un répertoire de mélodies qui sont différentes de celles de ses
congénères. Ayant chacun des strophes musicales particulières au programme, les
rossignols se lancent dans des compétitions entre eux.[1]
La recherche de notre époque s’intéresse également aux modifications occasionnelles
du chant des oiseaux. Après avoir étudié les oiseaux depuis de nombreuses
années, l’ornithologiste Helene Lampe de l’Université d’Oslo a fait la curieuse
découverte que la mélodie chantée par le gobemouche noir (Ficedula
hypoleuca) peut révéler d’éventuelles infidélités. Si le mâle a déjà trouvé
une femelle, il change la mélodie pour faire sa cour à une deuxième femelle. Helene
Lampe confirme que les mâles chantent moins systématiquement dans ce cas, et
elle pense que la deuxième femelle pourrait s’en rendre compte. Arrivée au
champ de bataille en retard pour choisir le ténor à la voix la plus mielleuse,
elle doit se contenter de s’accoupler avec un mâle volage.
Les recherches d’Helene Lampe ont également montré que le bruit des villes
peut modifier le chant des oiseaux : « Quand j’étais jeune et vivais
à la campagne, les mésanges chantaient titti-tu,
titti-tu, mais aujourd’hui, dans les villes, elles ont simplifié leur chant. »
Pour se faire entendre à travers la pollution sonore, elles sont obligées à chanter
ti-tu, ti-tu ou seulement tu, tu, tu. La cohabitation avec les
humains a donc causé un appauvrissement des vocalisations des mésanges.[2]
Certains oiseaux sont capables d’utiliser des signaux sonores pour mentir
et pour tricher. Une étude norvégienne a observé le comportement des oiseaux
nourris par les humains à un endroit précis, et on a pu constater que les oiseaux
dominants ont tendance à empêcher leurs congénères de manger.[3]
Selon le biologiste Ingvar Byrkjedal de l’Université de Bergen, les oiseaux peu
dominants peuvent utiliser un faux signal de danger pour accéder à la
nourriture. Ils font comprendre aux
autres qu’un prédateur est présent, et ceux-ci s’enfuient. Le seul problème est
bien entendu qu’ils ne peuvent pas crier au loup trop souvent.
Ces exemples hétéroclites révèlent que les sons vocalisés sont des moyens d’action
qui permettent aux oiseaux de se manifester d’une manière singulière et de
montrer leur personnalité. Dans cette saison déjà printanière, il faudrait penser
à tendre l’oreille pour repérer les solistes de la merveilleuse chorale des
oiseaux.
Jørn Riseth
L’auteur est Maitre de langue de Norvégien au
Département d’Études Nordiques de l’université de Caen Normandie.
[1]
Olaus Magnus. Historia om de nordiska
folken. Fjärde delen. Nittånde boken. Om
fåglarna. Gidlunds förlag 1976.
[2]Bjarne Røsjø .
7 ting du kanskje ikke visste om
fuglesang. Forskning.no: https://forskning.no/fugler-partner-universitetet-i-oslo/7-ting-du-kanskje-ikke-visste-om-fuglesang/1282812
[3]
Université de Bergen. Kvifor syng fuglane?
https://www.uib.no/aktuelt/36926/kvifor-syng-fuglane
Bonjour Mr RISETH,
RépondreSupprimerJe me croyais érudit en matière de chant d'oiseau, et j'ai vite "déchanté" : j'ai appris beaucoup de choses en lisant votre billet.
Et je vais vérifier demain le titti-tu des mésanges qui font la farandole dans les arbres autour de ma maison...
Merci pour cette fraîcheur venue du Nord.
J'attends votre prochain billet
Jean-Marie SALQUEBRE de Nancy FRANCE un amoureux des oiseaux
joli texte sur les chants d 'oiseaux
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