mercredi 15 avril 2020

Nouvelles pratiques de la nature en période de confinement: le cas du Danemark

Alors que près de la moitié de la population mondiale est aujourd’hui confinée pour lutter contre la propagation de la pandémie de Covid-19, que nous nous replions à l’intérieur de nos foyers et gardons nos distances avec nos semblables, la nature, en ce printemps 2020 respire profondément. 

En Chine, en Europe, aux États-Unis, la pollution atmosphérique n’a jamais été aussi basse que depuis le début des confinements obligatoires imposés par les différents États. Les villes se taisent et les axes se vident, laissant la place à la faune et la flore sauvage. En ville, le bruit des transports a été remplacé par le chant des oiseaux ; le ralentissement de la circulation laisse la vie sauve à tous les hérissons et amphibiens habituellement écrasés. Ainsi, ponctuellement, le sort de la nature semble pour une fois plutôt positif. Au Danemark, la nature connaît moins de repos, les citoyens étant encouragés à sortir profiter de leurs espaces naturels.

Le confinement ne s’y déroule pas comme en France. Le 17 mars, Mette Frederiksen, la Première ministre danoise a annoncé les mesures mises en place à partir du mercredi 18 mars. Elle a enjoint la population à rester confinée et à respecter les règles de distanciation sociale (deux mètres entre chaque individu) mais contrairement à la France, n’a pas contraint la population à des sorties brèves de moins d’une heure et à moins d’un kilomètre de leur domicile. Seuls les rassemblements de plus de 10 personnes (à l’intérieur comme à l’extérieur) étaient interdits et punis d’une amende de 1500 couronnes danoises (environ 200 euros). 
Il est intéressant de noter que contrairement au cas français, le Danemark a appelé à la responsabilité individuelle des Danois pour appliquer ces règles, que ce soit dans le cercle amical ou familial et ce pour prendre soin les uns des autres. Sur le site de la police danoise, on voit des conseils officiels tels que « Annulez le déjeuner de Pâques. Reportez les visites familiales. N’allez pas visiter le pays. Considérez votre domicile comme destination principale ». Des consignes-conseils clairs, non menaçants mais efficaces. Ainsi, les Danois sont autorisés à circuler sans attestation, le gouvernement comptant sur leur bonne foi et leur esprit solidaire.
Les espaces publics extérieurs ne sont pas fermés comme dans certains autres pays confinés. Les danois sont même encouragés à profiter de la nature à leur disposition qui, comme le rappelle l’Agence de la nature attachée au ministère de l’alimentation et de l’environnement, reste ouverte et accessible sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Dans un article publié par l’Agence le 16 mars, cette dernière explique que malgré l’application des règles de distanciation, la nature est une destination d’excursion de choix où il y a « de la place pour tout le monde ». Cet article encourage les citoyens à profiter du printemps en plein air, à sortir marcher ou prendre son vélo après une journée de télétravail et rappelle que 4 Danois sur 5 se trouvent à moins de 5km d’une zone naturelle gérée par l’État. Sur le site, on retrouve des conseils pour profiter de la nature ainsi redécouverte, liens, applications et références de guides pour aider les petits et les grands à s’approprier ces espaces naturels, leur faune et leur flore. Un rappel toutefois, enjoignant les promeneurs à se tenir à distance les uns des autres et à ramener ses ordures chez soi, le personnel chargé de vider les poubelles étant fortement réduit à cause de la situation. 
Mads Jensen, chef de bureau de l’Agence de la nature rappelle dans un article publié le 3 avril sur dr.dk que si les personnes sont les bienvenues à l’extérieur, elles doivent se garder d’aller dans les zones naturelles populaires telles que Møns Klint, Rubjerg Knude Fyr dans le Jutland du Nord et Jægersborg Dyrehave en Zélande du Nord, afin d’éviter un trop grand afflux touristique et ainsi provoquer une entorse aux mesures gouvernementales.  Sur le site udinaturen.dk, on trouve des cartes où sont recensées les zones naturelles moins populaires mais tout aussi attractives en cas de beau temps.
Outre l’afflux dans les zones naturelles prisées, les sorties encouragées dans la nature  posent problème à Copenhague à cause de la densité de la population. En effet, les espaces verts publics se retrouvent vite surchargés. C’est ce que dénonce Kaj Thelander Jessen (porte-parole de l’association environnementale Det Grønne Knæ) dans un article publié par le journal Information le 1er avril 2020. Il explique que lorsque « tous les habitants des quartiers intérieurs de Copenhague et de Frederiksberg sortent dans les quelques zones réglementées disponibles » il est impossible de suivre la règlementation en vigueur. Il pointe du doigt le discours « hypocrite » de la municipalité, qui a ces dernières années autorisé la construction de logements sur quatre espaces naturels auparavant préservés, augmentant la densité urbaine sans accroître la surface des espaces verts publics.
Cette situation provoque des contrôles de police dans les lieux très fréquentés comme la plage d’Amager, Botaniske Have, Kongens Have, Nyhavn. A chaque entrée de ces lieux sont placardées des affiches rappelant les règles d’hygiène et de distanciation à respecter. Dans certains lieux spécifiques comme Frederiksberg Have, à partir du 27 mars, la course à pied a été proscrite afin de permettre l’application de ces mêmes mesures. Dans le cas du Søndermarken, la course à pied est autorisée mais à sens unique, afin d’éviter que les joggeurs ne se croisent. Le 6 avril, ces mesures ont été reconduites malgré la réouverture à partir du 15 avril des crèches et la mise en place d’une sortie longue et contrôlée du semi-confinement de la population danoise. Le télétravail, lorsque possible, est lui prolongé jusqu’au 10 mai.  
La pandémie entraine donc une remise en question de la manière dont urbains et non-urbains vivent au contact de la nature les environnant. Ce repos temporaire et relatif accordé à la faune et à la flore permettra peut-être d’envisager autrement la nature danoise et plus largement, la relation de l’humanité à son environnement.


Camille Deschamps Vierø

L’auteure est doctorante en littérature générale et comparée à l’Université Bordeaux Montaigne et vacataire à l'Université de Caen Normandie.

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