lundi 1 mars 2021

Le côté obscur de la politique finlandaise

 

Les systèmes politiques nordiques sont souvent vantés comme modèle sous des latitudes plus septentrionales, pour leur transparence, leur forte parité, et autres vertus. Pourtant, lorsqu’on commence à regarder de plus près, le vernis peut s’effriter. Un précédent billet de ce blog survolait et remettait en question la transparence dans les pays nordiques[1], celui-ci vie à montrer quelques éléments de la vie politique finlandaise peu connus du grand public et qui peuvent surprendre.

Par exemple, le cumul des mandats est fréquent en Finlande et il est même en augmentation depuis la fin des années 1990[2]. Dans les élections parlementaires de 2015 et de 2019, environ 40% des candidats étaient déjà élus municipaux, et parmi les élus le chiffre monte autour de 80%. En 2015, 159 des députés (soit 79%) étaient également élus municipaux contre 171 en 2019, soit plus de 85% des députés[3]. Le système électoral finlandais, qui favorise les candidats individuels au lieu des partis politiques, peut expliquer ces données. Effectivement, un candidat déjà élu au niveau municipal bénéficie d’un minimum de notoriété, et la politique locale sert souvent de tremplin pour la politique nationale. C’est par exemple le cas de la Première ministre Sanna Marin, qui s’est fait connaître en dirigeant le conseil municipal de Tampere, de 2013 à 2017, tout en ayant été élue députée en 2015. Par ailleurs, elle occupe toujours un poste de conseillère municipale de Tampere.

Ensuite, la Finlande n’a pas d’instance pour contrôler un temps égal de paroles et d’apparitions dans les médias. Si cela tend à être respecté sur les chaînes télévisuelles et les radios du service publique, les chaînes privées agissent différemment. Ces dernières années on a pu voir plusieurs émissions de télévision animées par des personnalités politiques. Ainsi, l’ancienne championne de culturisme, et actuelle députée pour le parti de droite radical populiste des Vrais Finlandais, Ritva (dite Kike) Elomaa a présenté une émission de fitness et nutrition intitulée « En forme avec Kike », début 2020. Si l’émission n’est pas politique, elle met en avant une députée et lui offre une couverture médiatique.

Durant l’été 2020, les Finlandais ont pu voir un autre programme télévisuel animé par le député, et chef du parti Liike nyt (Mouvement maintenant[4]), Harry (dit Hjallis) Hakimo. Le programme, intitulé « Lisää löylyä, Hjallis ja Jethro » (Plus de vapeur Hjallis et Jethro[5]), consistait à inviter des personnalités (politiques ou non) pour une soirée au sauna. On a ainsi pu apercevoir parmi les invités, Katri Kulmuni (ancienne Ministre des finances issue du parti du Centre), Antti Rinne (ancien premier ministre social-démocrate), Timo Soini (ancien président des Vrais Finlandais et ancien ministre des affaires étrangères). Malgré la diversité politique des invités, cette dernière émission a suscité quelques critiques notamment lorsque Hakimo a annoncé sa candidature à la mairie de Helsinki pour les élections municipales qui doivent se dérouler en avril. En effet, ce genre d’émission de télé-réalité offre un espace publicitaire de choix pour un candidat en campagne.

Le dernier élément surprenant de la vie politique finlandaise est le système de publicité dans les campagnes électorales. En effet, en période électorale, le pays voit fleurir des affiches de partis politiques sur les espaces publicitaires, ainsi les bus de ville, les taxis, et les panneaux publicitaires se retrouvent couverts de publicités politiques. Les espaces publicitaires des médias privés ne sont pas épargnés et les journaux sont remplis de spots publicitaires pour divers candidats, principalement des plus gros partis politiques. De fait, les petits partis politiques, sans subvention, peuvent difficilement concurrencer les partis politiques majoritaires. L’état finlandais subventionne les partis politiques qui recueillent plus de 2% des voix lors des élections législatives et en fonction du nombre de sièges de députés obtenus[6].

Bien que ces éléments ne semblent pas empêcher le processus démocratique de la Finlande, qui se place toujours parmi les meilleurs élèves, ils montrent que le système politique n’est pas parfait. On peut effectivement constater que pour un pays qui est dit égalitaire, le traitement des différents partis politiques ne l’est pas forcément.

 

Marie Cazes – L’auteure est doctorante en science politique à l’Université de Jyväskylä



[4] Fondé en avril 2018, le parti se dit être une start-up politique en faveur du libéralisme économique.

[5] Les deux hommes sont notamment connus pour avoir animé la version finlandaise de « The apprentice » (émission qui a fait connaître Donald Trump).

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