Dimanche dernier,
la Finlande a gagné la coupe du monde de hockey sur glace. Contre toute
attente, l’équipe finlandaise, qu’on considérait avant le tournoi une des plus
faibles dans l’histoire du pays, a battu d’abord la Suède dans les quarts de
finale, ensuite la Russie et puis le Canada en finale avec trois buts contre
un. Au-delà des résultats, qui sont somme toute anecdotiques pour tous les
autres sauf les supporteurs inconditionnels, le succès de l’équipe constitue un
récit intéressant grâce aux commentaires qu’il a provoqués.
Le philosophe
Frank Martela considère que la capacité de jeunes hommes finlandais à exprimer
leurs sentiments mieux que les générations précédentes est un facteur important
dans la réussite de l’équipe. Si l’homme traditionnel finlandais avait
l’habitude de serrer les dents et cacher les émotions « difficiles »,
les jeunes n’ont pas ces complexes, ce qui leur donne plus de résilience et
plus de moyens pour faire évoluer leur jeu au fur et à mesure que les
adversaires deviennent plus difficiles.[1]
Un autre
commentaire intéressant vient de la Suède. Dusan Umicevic de SVT (chaîne
publique de Suède) voit dans la victoire une vraie leçon morale :
« Être ridiculisé, mis en question et marginalisé peut stigmatiser pour toute
la vie. Mais un groupe d’hommes peut riposter. »[2]
On trouve dans cette interprétation le credo de l’État-providence
suédois fondé sur la tolérance et la solidarité. L’équipe finlandaise
incarnerait ainsi les valeurs que son voisin peinerait à trouver aujourd’hui à
en croire les chroniqueurs suédois qui ont fustigé la paresse des vedettes
millionnaires de leur propre équipe. Dans Aftonbladet, Mats Wennerholm a même adopté
des tons bibliques : selon lui, l’entraîneur finlandais Jukka Jalonen
aurait réussi à changer l’eau en vin.[3]
Depuis le XIXe
siècle, le sport a été un moyen important dans l’éducation morale et physique
des nations. C’est dans l’effort physique que les individus ont révélé la force
de leur caractère et les collectivités leur esprit de solidarité. Les
commentaires que la victoire de la Finlande a suscités montrent qu’il continue
à avoir cette fonction, bien que le sport professionnel globalisé n’ait pas
beaucoup à voir avec l’amateurisme éclairé du siècle dernier. La morale, les
normes sociales et la religion se trouvent toujours mobilisés pour qualifier
les exploits.
Curieusement, le
héros de l’équipe finlandaise, l’attaquant Marko Anttila (203 cm et 104 kg),
fût baptisé « Mörkö » pendant la coupe. Si le mot signifie tout
simplement « monstre », elle prenait une autre dimension lorsque les
supporters ont choisi de l’illustrer par la figure de Courabou (Mårran en suédois
et Mörkö en finnois) des livres Moumine de Tove Jansson. Citons pour terminer
la page wikipedia à ce sujet : « [Courabou] fait
peur à tout le monde car elle a la réputation de glacer littéralement ceux qu’elle
approche ; mais il est possible qu’elle soit juste à la recherche d'amour. ».
On n’associe pas souvent l’amour avec le hockey sur glace. Les messages
véhiculés par le sport n’ont pas cessé de nous intriguer.
Harri Veivo
L’auteur est professeur au Département d’études nordiques de
l’Université de Caen Normandie.
[1] https://yle.fi/uutiset/3-10803975
[2] https://www.svt.se/sport/ishockey/finska-laget-har-lart-oss-en-laxa-rakna-aldrig-ut-nagon
[3] https://www.aftonbladet.se/a/Qowvy8/promo
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