La Finlande a été pionnière dans les droits politiques
des femmes et cette histoire se ressent toujours à l’heure actuelle puisque la
vie politique finlandaise connaît une forte féminisation. La présence des
femmes et des jeunes au parlement a effectivement beaucoup augmenté lors des
dernières élections législatives[1]. Le
constat est le même dans le nouveau gouvernement. La fin d’une coalition
conservatrice et l’arrivée au pouvoir de la gauche (coalition entre les
sociaux-démocrates, la gauche, les verts, le centre et le parti des
svécophones), a mené à un gouvernement composé de 19 ministres dont onze femmes
parmi lesquelles cinq sont trentenaires. Ces changements ont par exemple été
commentés lors de l’annonce du budget annuel par Ville Niinistö (député
européen et ancien président des Verts), sur son compte Instagram[2],
où il compare la différence entre l’ancien gouvernement de Sipilä et le nouveau
gouvernement de Rinne.
Depuis plusieurs décennies les femmes ministres en
Finlande se voient attribuer les portefeuilles des affaires sociales, de
l’éducation ou d’autres postes considérés comme secondaires mais également les
ministères régaliens. A l’heure actuelle, les postes de ministre de l’intérieur,
de ministre de la justice et de ministre des affaires économiques sont par
exemple pourvus par des femmes.
Cette tendance à la féminisation et au rajeunissement
dans la politique finlandaise s’est aussi remarquée lors des élections de nouveaux
leaders dans deux partis politiques présents au gouvernement. Maria Ohisalo (34
ans), ministre de l’Intérieur a été désignée présidente des Verts depuis juin
et Katri Kulmuni (32 ans), ministre des affaires économiques a été élue à la
tête du Parti du Centre, un parti plutôt conservateur, début septembre. Pour le
moment seuls deux partis présents au parlement n’ont pas eu de femme à leur
tête, le parti de la Coalition nationale (droite) et le parti des Finlandais
(populiste de droite radicale). Une autre ministre finlandaise est par ailleurs
en congé maternité pour un an[3] . L’égalité
homme-femme dans la vie politique finlandaise semble donc acquise.
Néanmoins, en dépit de cette féminisation de la vie
politique finlandaise et de l’arrivée de jeunes femmes (et d’hommes) féministes
et engagés sur les questions d’égalité, la Finlande reste un des pays de
l’Union européenne les moins sûrs pour les femmes.
En effet, le nombre de violence faites aux femmes est un
des plus élevés de l’Union européenne[4] et,
proportionnellement, plus de femmes meurent de violences domestiques qu’en
France[5]. De
plus, la majeure partie des femmes victimes de violences, notamment de
violences sexuelles, ne portent pas plainte et très peu d’agresseurs sont
condamnés par la justice finlandaise. Malgré
le discours féministe de nombre de (nouvelles) députées élues (ou réélues),
très peu ont évoqué ce problème sociétal, à croire que le sujet reste tabou
dans le débat publique et politique. Néanmoins la question du changement de la
définition du viol dans la loi a fait l’objet d’une initiative populaire[6] et
est à l’heure actuelle en commission parlementaire. Le programme gouvernemental
évoque également un plan à venir contre les violences domestiques et les
violences faites aux femmes[7], ses
contours restent cependant encore flous.
Il reste donc à espérer que cette nouvelle génération de
femmes dans la politique finlandaise améliore enfin la condition des femmes
dans la sphère domestique.
Marie Cazes – L’auteure est doctorante en science
politique à l’Université de Jyväskylä.
[1] 85 femmes ont été élues sur les 200
députés et l’âge moyen a baissé pour passer à 47 ans, 11 députés ont moins de
trente ans. Cf un des précédents billets
http://vuedunord.blogspot.com/2019/05/resultats-des-elections-parlementaires.html
[3] Pour l’anecdote, au tout début des années 2000, le premier ministre Paavo
Lipponen avait pris un congé paternité après la naissance de sa deuxième fille.
[6] En Finlande les initiatives populaires sont des propositions de lois qui
doivent recueillir la signature d’au moins 50 000 citoyens pour être amener au
parlement où elles sont débattues. Elles existent depuis mars 2012 et sur les
25 déjà effectuées seules deux ont été votées par le parlement et quatre sont
actuellement en attente.
[7] Le programme du gouvernement Rinne : https://julkaisut.valtioneuvosto.fi/bitstream/handle/10024/161662/Osallistava_ja_osaava_Suomi_2019_WEB.pdf?sequence=1&isAllowed=y
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