lundi 30 novembre 2020

Vues parodiques d’un nord « metalique »

Lorsqu’il n’impressionne ou ne crée la controverse, le metal peut faire rire. Des groupes à tendances humoristiques tels que les italiens de Nanowar of Steel ou les belges de La Horde ont sorti des musiques et des vidéos parodiant certains aspects de la scène metal nordique. Avec sa chanson « Valhalleluja », dont le lien est disponible à la fin de ce billet, Nanowar of Steel offre une vision pour le moins décalée de la représentation des vikings dans la scène metal.

 En combinant dès son titre le nom du « Valhalla », rappelant la période des vikings, à l’acclamation « Alléluia » issue de la religion chrétienne, Nanowar of Steel joue sur un registre humoristique absurde. Dans l’univers du metal, ces deux cultes sont régulièrement opposés, le christianisme y étant souvent considéré comme la cause d’un « déclin » de la société des vikings et de ses croyances. Les paroles, les différents types de chant utilisés et la vidéo participent à la construction de cette alliance incongrue. Après avoir cité un ensemble de clichés sur les vikings propres à l’univers metal, le personnage d’Odin, coiffé d’un bonnet de père noël se compare à Jésus en tant que charpentier. Cette analogie permet d’introduire Ikea, ici le domaine d’Odin, dont les noms de meubles deviennent des paroles de prières et sont chantés par un chœur gospel. 

Au-delà du registre comique, cette chanson propose une certaine critique de la manière dont le nord est représenté dans ces musiques. Le groupe relève par exemple la tendance de certains pans de la scène metal à se focaliser sur le nord de l’Europe et la culture des viking, au détriment d’autres régions :

« Pour la Normandie, la [Grande] Bretagne, le Groenland, la Scandinavie chantez Valhalleluja
Mais pour le Nicaragua, l’Azerbaijan nous ne chantons pas du tout
Nous ne savons pas où ils se trouvent »

Cette critique complète donc la manière dont l’admiration vouée à la période viking dans le metal est tournée en dérision et souligne ce qui est au moins de l’ignorance vis à vis d’autres cultures et d’autres pays.

Nous pouvons en outre remarquer une insistance sur l’écart entre la fiction et la réalité dans l’univers du « viking metal », lorsqu’à la fin de la vidéo, le chanteur est sorti de sa rêverie de messe metal par un personnage féminin qui lui pointe le meuble Ikea à monter.

Le groupe belge La Horde, dans la vidéo de la chanson « Ikeardruna », parodie un autre genre musical, le neofolk, en faisant également référence à la culture païenne scandinave et à la marque suédoise. Le neofolk est un genre puisant son inspiration de pratiques rituelles ou musicales de la période préchrétienne, dont celles des vikings. Parce qu’il a également de nombreux contacts avec la scène metal, il n’est pas étonnant de voir des similarités dans la manière de parodier et aussi critiquer ces visions idéalisées du nord.

Les deux parodies montrent comment des thématiques propres à l’histoire et à des cultures scandinaves préchrétiennes ont été rendues suffisamment populaires pour que leur parodie ou leur critique soit comprise par la majeure partie du public non-nordique. Cela signifie aussi que, lorsque les groupes de metal ou de musique folk veulent faire une référence à la Scandinavie moderne, le sujet favori semble être une marque de mobilier suédois. L’utilisation de cette marque peut être envisagée en tant qu’outil de décalage comique entre le cliché du guerrier viking couvert de sang partant héroïquement à l’aventure, très apprécié dans le metal, et une vision d’une société scandinave moderne propre, ordonnée dans laquelle les intérieurs chaleureux sont valorisés, également par la communauté metal.

 

Vidéos citées :

Napalm Records, « NANOWAR OF STEEL - Valhalleluja (ft. Angus McFife from Gloryhammer) | Napalm Records », 2018, https://youtu.be/S9WWz95ripA

La Horde, « IKEARDRUNA by La Horde », 2018, https://youtu.be/og8AxngIf8E

Avertissement : la vidéo de La Horde comporte de nombreuses séquences de « flashs ». Nous la déconseillons vivement aux personnes photosensibles.

 

Lise Vigier

L'auteure est doctorante à l'école doctorale 558 Histoire, Mémoire, Patrimoine, Langage / Université de Caen Normandie.

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