lundi 1 avril 2019

Les femmes dans le metal nordique


La journée internationale du droit des femmes est organisée chaque année le 8 mars, date choisie par l’ONU, à cette date s’ajoute le 19 mars en Finlande la journée de Minna Canth, autrice notamment reconnue pour ses écrits féministes, et de l’égalité. Suivant ces événements, de nombreux media publient des articles concernant l’évolution des questions d’égalités, principalement entre hommes et femmes. Bien que le mois de mars soit terminé, ce billet se propose de réfléchir à cette question en se focalisant sur le genre metal. 


Comme évoqué dans de précédents billets, depuis sa naissance à la fin des années 1960, le metal est fortement marqué par la mise en avant du genre masculin à travers des valeurs telles que la virilité, la force ou encore la bravoure. À partir des années 1990, les femmes sont de plus en plus mises en scène, dans les textes ou du fait de l’arrivée de musiciennes et surtout de chanteuses au sein de groupes populaires comme Nightwish en Finlande, Tristania en Norvège ou Therion en Suède. L’image de ces femmes est alors diamétralement opposée à l’image masculine, en suivant principalement deux caractérisations types : la créature fragile et tendre que l’homme se doit de guider et de protéger ou la créature tentatrice hypersexualisée contre laquelle l’homme doit lutter. Dans les deux cas, la femme permet de souligner les caractéristiques masculines évoquées plus haut.

C’est à partir de la fin des années 2000 qu’un changement s’opère au sein du metal nordique. Les musiciennes et chanteuses commencent à s’approprier des codes et des caractéristiques jusque lors propres aux hommes. Deux groupes, ayant des chanteuses nées dans les pays nordiques, sont aujourd’hui populaires : l’artiste danoise Myrkur[1] et le groupe finlandais Battle Beast. Ces groupes utilisent des techniques vocales majoritairement réservées aux hommes, notamment regroupées sous le terme de chant saturé, et mettent en scène des personnages féminins tout aussi forts, courageux, et vindicatifs que leurs homologues masculins.

Ce phénomène n’en est encore qu’à son balbutiement, ces groupes restent encore des « actes isolés » et l’image de la féminité qu’ils représentent oscille beaucoup entre les caractéristiques traditionnellement réservées à la femme dans le genre metal et l’appropriation des codes masculins, comme le détaille à propos de Myrkur le chercheur Peter Pichler dans un article disponible en ligne.[2]De plus, l’évolution de la mise en scène du genre féminin et de la transgression des codes habituellement attribués aux genres masculin et féminin qui est alors opérée suscite des réactions virulentes au sein même de la communauté metal, comme l’illustrent les nombreuses menaces de mort reçues par Myrkur, les commentaires en ligne se focalisant davantage sur le physique des chanteuses que sur leur technique[3] ou le fait que la présence de femmes dans le genre metal soit encore considéré comme inhabituel. À cet égard, la question servant de titre à l’article écrit par la chanteuse néerlandaise Charlotte Wessels à l’occasion de la journée internationale du droit des femmes, sur le site du magazine Kerrang!, est révélatrice de ce malaise : « Quand avez-vous entendu quelqu’un demander pour la dernière fois, ‘Qu’est-ce que ça fait d’être un homme dans un groupe de metal ?’ »[4].

En plus d’avoir à faire face aux inégalités liées aux sociétés dans lesquelles elles évoluent, les femmes officiant dans le genre metal doivent donc affronter des difficultés supplémentaires dans la recherche d’une forme d’égalité et de respect de leur liberté d’expression, qu’elle soit personnelle ou artistique, et les pays nordiques ne semblent pas faire exception à cette règle. Lise Vigier

L'auteure est doctorante à l'école doctorale 558 Histoire, Mémoire, Patrimoine, Langage / Université de Caen Normandie.







[2]Peter Pichler, « Between transgressive gender constructions and hypermasculinity: the recent balancing of gender in Scandinavian Extreme Metal music. », article de blog, publié le 30/08/2018, diponible en ligne à l’adresse : , http://www.peter-pichler-stahl.at/artikel/between-transgressive-gender-constructions-and-hypermasculinity-the-recent-balancing-of-gender-in-scandinavian-extreme-metal-music/, consulté le 19/03/2019.

[3] Berkers, Pauwke & Schaap, Julian (2013). "So you think you can grunt? Gender and musical careers in online and offline metal scenes.", papier présenté à la conférence Metal & Marginalisation: Gender, Race, Class and Other implications for Hard Rock and Metal, University of York, United Kingdom, April 11 2014

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