lundi 15 février 2021

Tourisme éthique en Laponie


Destination touristique particulièrement prisée, la Laponie est connue, entre autres, pour ses paysages sauvages, les aurores boréales, le Père Noël, les rennes, les chiens de traineaux, et le peuple sami. L’arrivée du tourisme de masse dans la région la plus septentrionale d’Europe questionne le rapport à la nature mais aussi la représentation et la place du peuple sami.

Le National Geographic a récemment publié un article sur la question des stéréotypes véhiculés sur les Samis par la plupart des agences de voyages et autres groupes de tourisme[1]. Par exemple, l’attraction des chiens de traîneau, activité très populaire auprès des touristes, a été amenée en Laponie dans les années 1980 et ne fait absolument pas partie des traditions du peuple sami. Il en va de même avec la construction d’hôtels ‘igloo’. Ces éléments, importés de la culture Inuit, donnent une image biaisée de la culture sami et crée une confusion sur la culture des peuples autochtones de l’Arctique.

Il y a aussi parfois des abus dans l’utilisation des costumes traditionnels samis et de l’usage illégitime de l’appellation sami dans la vente de produits qui se disent locaux. L’adoption d’éléments traditionnels samis, comme le lavvu (tente same) ou les costumes, par des personnes qui ne sont pas Samis est vivement critiqué par la communauté.

Un autre problème relève de l’interprétation par les touristes du ‘droit d’accès à la nature’, souvent vanté par les agences de tourisme. Si la nature est bien plus accessible en Fennoscandie, il y a quand même des régulations et des restrictions en fonctions des lieux : zones protégées, réserves naturelles, période d’accouplement/de nidification/de naissance de certains animaux … Certains touristes ne respectent pas forcément ces régulations.

Les Samis estiment aussi que l’accès à certains lieux, considérés comme sacrés, devrait être régulé. C’est le cas d’Ukonkivi (Äijihsuálui en same d’Inari) une île sur le lac d’Inari, dont les Samis ont réclamé l’interdiction de l’accès au public pendant de nombreuses années[2] avant de se faire entendre[3].  

Le parlement sami de Finlande, situé à Inari, a publié en 2018 un guide de tourisme éthique à destination des acteurs du tourisme non-Samis mais aussi des touristes[4], afin de promouvoir le respect de la culture same et les droits des Samis. Plusieurs labels d’authenticité ont aussi été créés afin de mettre en avant et protéger l’artisanat same traditionnel, en Finlande[5] et en Suède[6]. Il faut également noter que la population sami profite très peu des retombées économiques du tourisme, notamment parce qu’ils sont peu nombreux à travailler dans le secteur.

Enfin le développement d’infrastructures touristiques (hôtels, stations de ski …) pose aussi le problème de la restriction de l’accès à la nature pour les éleveurs de rennes. Cette problématique rejoint la question plus large de la construction d’infrastructures (mines, routes, ligne ferroviaire …) sur des territoires qui sont utilisés depuis des siècles par les Samis pour l’élevage des rennes, la chasse ou la pêche.

 

 

Marie Cazes – L’auteure est doctorante en science politique à l’Université de Jyväskylä

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