On pense souvent que les échanges culturels et économiques à
travers de longues distances soient l’apanage de l’homme d’aujourd’hui. Mais la
globalisation et la mondialisation n’ont pas attendu l’invention de l’internet
et du téléphone portable ou l’émergence de Google et d’Amazon. Le
« village global » est une expression des années 60, et deux études
récentes montrent que les échanges à longue distance ont existé bien plus tôt,
chez les chasseurs-cueilleurs qui vivaient vers le début de l’Holocène et chez
les Vikings.
La revue en ligne Plos
one[i]
vient de publier les résultats d’une recherche interdisciplinaire sur un bâton
percé trouvé en 2015 à Gołębiewo en
Pologne. Les analyses, qui utilisent des méthodes des sciences naturelles et
humaines, montrent que l’objet a très probablement été fabriqué en Carélie du
finlandaise du Nord, soit à 1400km de Gołębiewo. Il aurait ensuite été
transporté vers le sud en contournant la Mer Baltique par l’est ou l’ouest,
c’est-à-dire par les pays Baltes ou la Norvège actuels. Les chercheurs de
l’Université de Cracovie qui ont écrit l’article restent prudents sur les
motivations et les pratiques qui ont rendu cet échange possible. Mais le
contact indirect entre deux groupes vivant à 1400 km de distance est un fait
scientifiquement prouvé.
Une autre découverte intéressante nous vient de l’exposition
« Viking Couture » qui a lieu au Musée d’Enköping en Suède jusqu’au 4
février. La participation des Viking dans des échanges culturels et économique
à vaste étendue géographique est bien connue. Mais un détail mise en valeur
dans l’exposition nous amène peut-être à regarder la vieille histoire d’une
nouvelle manière.
Annika Larsson, chercheuse en archéologie des textiles à
l’Université d’Uppsala qui contribué à « Viking Couture », a démontré
que certaines ornementations dans des habits en soie trouvés dans les tombes
viking sont en fait des signes d’écriture kufi. Cette écriture a été développée
dans la région de l’Iraq actuel vers la fin du VIIe siècle. Selon Larsson, les
signes kufi trouvés dans les habits des Viking forment des mots, dont
« Allah » et « Ali ». Fait important : les mots ont
été inversés pour être lus de gauche à droite, ce qui montre une forme
d’appropriation plus importante que la simple reproduction de formes visuelles
sans contenu.[ii]
Le lien entre l’Islam et les Viking aurait ainsi été plus profond qu’on ne le
pense.
Les lieux communs sur le « Grand Nord » et ses « coins reculés » et sa « nature intacte » mènent facilement à une conception erronée qui où les pays nordiques apparaissent comme une région d’exception, préservée des tumultes du monde et imaginée en termes de différence et de rupture. Rien ne serait plus faux : le nord de l’Europe a toujours été connecté au reste du monde. Le bâton percé de Gołębiewo et les signes kufi des habits des Viking sont des cas particulièrement intéressants, mais point uniques. Ils nous rappellent cette idée fondamentale : la particularité des cultures et sociétés nordiques – que l’on ne saurait et ne voudrait nier – ne provient pas d’une origine monolithique et autonome, mais d’un processus d’échange, d’appropriation et de construction où le « propre » a toujours été mélangé à l’« étranger ».
Les lieux communs sur le « Grand Nord » et ses « coins reculés » et sa « nature intacte » mènent facilement à une conception erronée qui où les pays nordiques apparaissent comme une région d’exception, préservée des tumultes du monde et imaginée en termes de différence et de rupture. Rien ne serait plus faux : le nord de l’Europe a toujours été connecté au reste du monde. Le bâton percé de Gołębiewo et les signes kufi des habits des Viking sont des cas particulièrement intéressants, mais point uniques. Ils nous rappellent cette idée fondamentale : la particularité des cultures et sociétés nordiques – que l’on ne saurait et ne voudrait nier – ne provient pas d’une origine monolithique et autonome, mais d’un processus d’échange, d’appropriation et de construction où le « propre » a toujours été mélangé à l’« étranger ».
Harri Veivo
L’auteur est professeur au Département d’études nordiques de
l’Université de Caen Normandie.
[i] http://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0184560.
[ii] http://www.uu.se/nyheter-press/nyheter/artikel/?id=9362&area=2%2C6%2C10%2C16%2C42&typ=artikel&lang=sv
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