Vendredi 21 septembre, le ministre finlandais des
Affaires Etrangères, Timo Soini, s’est retrouvé soumis à un vote de confiance
du parlement pour ses prises de position contre l’avortement, un droit acquis
depuis les années 1950 en Finlande[1].
L’affaire avait commencé au mois de mai quand, en marge
d’un déplacement officiel au Canada, Timo Soini avait participé, sur son temps
libre, à une marche anti-avortement et des images avaient été diffusées sur les
réseaux sociaux. Fin mai, juste après le référendum sur l’avortement en
Irlande, Soini publie un billet sur son blog[2]
dans lequel son désaccord avec le résultat apparait assez clairement. Ces prises de position ont été immédiatement
vivement critiquées, à la fois par l’opposition (Verts, Alliance de gauche et
parti Social-démocrate) mais aussi par certains des membres des partis de
gouvernement, notamment dans la Coalition nationale. En août, à la suite du
refus du sénat argentin de légaliser l’avortement, Soini publie une nouvelle
fois un billet de blog intitulé « L’Argentine, un pays magnifique[3] ».
Nouvelle polémique; comment un ministre peut à la fois prendre part à un
gouvernement qui reconnait le droit des femmes sur leur corps, et exprimer
publiquement son désaccord sur l’avortement?
La demande d’un vote de confiance envers le ministre des
Affaires étrangères a été faite par des partis d’opposition, les
sociaux-démocrates, l’alliance de gauche et les Verts. Dans la procédure, une
enquête a été ouverte par le Chancelier de justice (qui, entre autres,
supervise la légalité des actions du gouvernement) qui concluait que bien que
les actions de Timo Soini n’enfreignissent pas la loi, elles étaient
problématiques. En effet, il aurait fallu que la prise de position de Timo
Soini soit claire, cette position était-elle celle du ministre ou bien de
l’individu.
Au final, 100[4]
députés ont voté leur confiance pour le ministre des Affaires étrangères, 60
ont voté contre, les dix-huit députés du Parti finlandais (auquel Soini
appartenait jusqu’en juin 2017) ont tous voté blanc, et 21 se sont abstenus ou
étaient absents. Le seul parti d’opposition à apporter son soutien à Timo Soini
était le parti Chrétien-démocrate. Ce vote de confiance dépassait
malheureusement la question de l’avortement, puisque d’un point de vue purement
politique, si Soini tombait, c’était le gouvernement qui risquait de se
fragiliser et de tomber également, comme le faisait remarquer Sampo Terho,
ministre des Affaires européennes et leader de l’Avenir bleu. Les partis de la
coalition gouvernementale n’étaient pas prêts à courir ce risque alors que les
prochaines élections parlementaires sont prévues pour avril 2019. Si plusieurs
députées de la Coalition nationale ont refusé de voter en faveur de Timo Soini,
les enjeux politiques ont été plus forts, et elles se sont simplement abstenues
de voter. Il y a fort à parier que sans
la pression interne des partis, le vote de certain-e-s député-e-s issu-e-s de
la majorité auraient été plus imprévisible.
En dehors de la sphère politique, l’affaire Soini et ce
vote de confiance ont également suscité des réactions dans la société civile,
en particulier de la part d’associations féministes, comme Naisasialiitto
Unioni (organisation féministe fondée en 1892), qui appelle à manifester pour
défendre le droit à l’avortement en Finlande et dans le reste du monde.
Enfin cette affaire soulève plusieurs questions d’ordre
politique et sociétal : à quel point les alliances politiques avec des
populistes nationalistes et conservateurs sont-elles possibles au niveau
gouvernemental ? Comment cette forme de double discours de la part de
Soini et sa défense prise par les autres partis du gouvernement va-t-elle
impacter dans la crédibilité de ces trois partis sur les questions d’égalité
des sexes dans la prochaine campagne électorale ? Faut-il s’inquiéter que
le climat réactionnaire conservateur et traditionaliste, qui monte en Europe
avec les populistes de droite radicale, puisse toucher le droit des femmes dans
un pays pionnier sur la question ?
Marie Cazes
L’auteure est doctorante au département de Science
politique de l’Université de Jyväskylä (Finlande).
[1] En
1950 l’avortement est légal seulement dans certains cas : viol, inceste,
si la mère est mineure, si la naissance menace la santé physique ou mentale de
la mère. En 1970 la loi est élargie aux « raisons sociales »
(divorce, manque de revenus …)
[4] Le
Parlement finlandais, Eduskunta, est composé de 200 députés, il fallait donc
exactement 100 voix en faveur de Soini pour que sa confiance soit renouvelée
(sachant que les ministres sont aussi députés, il avait le droit de voter, et
sans surprise il a voté en sa faveur).
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