Wardruna et
Heilung sont deux groupes basés respectivement en Norvège et au Danemark qui
partagent un intérêt considérable pour le monde nordique préchrétien. Malgré des
discographies encore courtes, ces deux groupes bénéficient d’une renommée
suffisante pour faire des tournées internationales et participer à de grands
festivals axés autour de la musique metal ou des univers médiévaux-fantastiques.
Ce billet sera une réflexion sur la complexité du rôle d’intermédiaire joué par
ces groupes concernant l’histoire et la culture préchrétienne nordique.
Pour
mieux comprendre comment ces groupes se servent de l’histoire nordique, je me
suis intéressée à leurs chansons les plus connues : « Helvegen »[1] (le
chemin vers Hel ou le chemin vers la mort) de Wardruna et
« Krigsaldr »[2] (l’âge
de la guerre) de Heilung. Des liens vers ces chansons mises en vidéos avec leurs textes sont disponibles à la fin de ce billet.
La première
chanson, « Helvegen », est chantée principalement en norvégien et se
termine par un extrait du Hávamál. C’est un poème tiré de l’Edda poétique et qui est souvent traduit
en français par « Les Dits du Très Haut ». Il serait constitué de
paroles que l’on prête au dieu scandinave Odin. « Helvegen » est
description et une réflexion sur la mort en tant que voyage vers un nouveau
monde. Dans la partie chantée en norvégien, le chanteur s’adresse à Odin, alors
notamment appelé par son surnom : « Père des morts ».
« Krigsaldr »
de Heilung est quant à elle chantée tour à tour en proto-norrois[3] et en
anglais. La partie en proto-norrois est une citation d’une des diverses
interprétations de la pierre runique d’Eggja, gravée au VIIème siècle en
actuelle Norvège. La signification de cette inscription faite en vieux fuþark[4] ne semble
pas être encore clairement définie. Seule une allusion à la mort d’une ou
plusieurs personnes semble être communément admise par les chercheurs[5]. Ce passage est ensuite relayé par des paroles
en anglais, dans lesquelles le protagoniste explique qu’il est contraint de
faire parler les armes pour faire comprendre à son adversaire qu’il veut qu’on
le laisse lui et ses proches en paix.
Il est difficile
de donner une signification précise à ces références intertextuelles. Les deux
groupes insistent beaucoup, chacun à leur manière, sur leur lien avec
l’histoire scandinave préchrétienne. Ils semblent vouloir partager cette
histoire et cette culture extrêmement riches à travers leurs œuvres. Pour
autant, les paroles ne sont pas mises à disposition sur les pages internet
liées aux groupes. De plus, en ne nommant pas directement les sources utilisées
et en ne traduisant pas les passages en langues anciennes, ces groupes laissent
le public livré à lui-même face à ces références, au risque de leur faire
perdre leur intérêt. On peut donc se demander dans quelle mesure les groupes
souhaitent partager leurs connaissances et s’ils n’attendent pas du public
qu’il possède déjà une base de savoirs, ou que ce dernier ait la volonté de
faire ses propres recherches.
Malgré
les lacunes relevées plus haut, ces groupes semblent être, pour leur public, un
moyen d’entrer en contact avec l’histoire scandinave préchrétienne. Enfin, ils
ajoutent un intérêt supplémentaire à ces sources anciennes en y apposant des
réflexions sur des thèmes qui semblent, par leur mise en scène, intemporels,
comme la vie et la mort et la dualité
entre la guerre et la paix.
Wardruna - "Helvegen" : https://youtu.be/tKDjUw8zfJE
Heilung - "Krigsaldr" : https://youtu.be/BNau9FQTQN0
Lise Vigier
L'auteure est doctorante à l'école
doctorale 558 Histoire, Mémoire, Patrimoine, Langage / Université de Caen
Normandie.
Petite précision, les paroles de Wardruna sont disponibles avec traduction sur metallum et celles de Heilung sur leur bandcamp
RépondreSupprimer