mardi 1 mars 2016

Animaux et lectures



En langue norvégienne, on peut utiliser le mot « lesehest » pour parler d’un bibliophile.  Ce mot qui est composé du verbe « lese » (lire) et du substantif « hest » (cheval), est une expression métaphorique qui attribue au lecteur la force et l’énergie du cheval. En langue française on peut également trouver l’expression un « rat de bibliothèque ». Cette fois-ci c’est de la fâcheuse tendance des rats à dévorer des livres dont il est question. Le côté destructeur de cette activité n’est pas véhiculé par l’expression métaphorique ; Il s’agit bien d’une personne qui a un grand appétit pour la lecture et qui aime lire des livres.


Dans la même veine, nous avons en langue norvégienne le mot « bokorm » qui est composé des substantifs « bok » (livre) et « orm » (ver). Comme en français, c’est l’appétit du ver pour le papier qui est associé aux grands lecteurs. Ces quelques exemples montrent que les humains n’arrêtent pas de se comparer aux animaux. Notre tendance à puiser dans le monde animalier pour parler de notre amour pour la lecture est paradoxale, car les animaux sont souvent caractérisés par leur manque de maîtrise d’une langue.


Récemment, les Norvégiens ont attribué un nouveau sens au mot « lesehest ». Les pédagogues se sont rendu compte que les enfants qui ont du mal à apprendre à lire profitent de la présence d’un animal lors de leurs leçons de lecture. La bibliothèque de Sandnes dans la région de Rogaland propose aux enfants des séances de lecture accompagnées du petit cheval Darlin (8ans). L’un des jeunes lecteurs, Kristian (9ans), affirme à la chaîne de télévision TV2 Nyhetene que la présence du « lesehest » l’a aidé : « C’était beaucoup plus facile quand il y avait un cheval qui écoutait à côté de moi. Quand je lis pour les adultes, ils sont toujours en train de tapoter sur leurs téléphones portables. » 

Les premières expériences de lecture accompagnée ont été faites avec des chiens. La patience des chiens semble influencer la performance des enfants d’une manière positive. Un chien accompagnateur de lecture est nommé en langue norvégienne « lesehund », mot composé du verbe « lese » (lire) et le substantif « hund » (chien).


Dans un article du journal Adresseavisen on apprend que les étudiants à Trondheim peuvent profiter d’un accompagnement animalier pour calmer leur stress. Au niveau de la lecture, il paraît qu’ils se débrouillent. Avant les examens du mois de décembre, l’université leur a proposé de passer un moment avec un chien et 500 étudiants se sont inscrits pour donner des câlins à des « toutous » engagés pour l’occasion ! Cette possibilité de se reposer en présence d’un chien est donc devenu très demandée, mais on ne sait pas si cette offre a donné naissance à un néologisme. Selon Adresseavisen l’idée est venue des États-Unis où le lieu de rencontre entre chiens et étudiants est nommé « Puppy Room ».  Cependant, la raison pour laquelle les étudiants de Trondheim n’essayent pas de calmer le stress en se donnant plus de câlins entre eux n’est pas révélée par le journal.


Jørn Riseth

L’auteur est maître de langue de norvégien au Département d’Études Nordiques de l’Université de Caen Normandie et doctorant à l'école doctorale 558 Histoire, Mémoire, Patrimoine, Langage / Université de Caen Normandie.

Plus d'information pour ceux parmi les lecteurs qui maîtrisent la langue norvégienne :  

Article de TV2 Nyhetene sur les jeunes lecteurs accompagnés d’un cheval 

Article du journal Adresseavisen sur les étudiants qui donnent les câlins aux chiens 

1 commentaire:

  1. on parle de kirjatoukka en finnois, sans doute calqué sur l'anglais bookworm... existe-t-il des langues qui permettraient de poursuivre sur cette pente descendante (du cheval au rat et à la larve) ? On attrape bien déjà le virus de la lecture.
    Bravo pour cette initiative d'un blog sur le Nord!

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