mercredi 31 mai 2017

La disparition du président Mauno Koivisto ou la fin d’une époque

 Le 12 mai 2017 au soir les Finlandais ont appris, avec émotion le décès de leur ancien président, Mauno Koivisto, âgé de 93 ans et souffrant de la maladie d’Alzheimer. Premier ministre par deux fois et élu président de la république de Finlande également par deux fois, Mauno Koivisto a eu un impact important sur la vie politique de son pays.
 
Né le 25 novembre 1923 à Turku d’un père menuisier et d’une mère ouvrière, Mauno Koivisto travaille très tôt. À l’âge de seize ans, il s’engage au front dans l’armée pour défendre la Finlande dans la Guerre d’hiver et ensuite dans la Guerre de continuation[1]. C’est après la guerre qu’il s’engage en politique et devient membre du Parti social-démocrate, en 1947, et se dirige vers des études à Turku. Il fait une thèse de sociologie, discipline alors extrêmement récente en Finlande, sur les relations sociales dans le port de Turku.

Dans les années 1960, Koivisto se tourne vers l’économie et devient Ministres des Finances en 1966 et une seconde fois en 1970, sous les gouvernements Paasio. Il mène des mesures délicates, comme la dévaluation du mark en 1967. Il est également Premier ministre par deux fois, entre 1968 et 1970, puis de 1979 à 1982.

En septembre 1981, après l’annonce de la maladie du président Kekkonen, Koivisto se retrouve chargé des fonctions présidentielles. A la suite de la démission de Kekkonen, présentée en octobre 1981, Mauno Koivisto devient le candidat des sociaux-démocrates pour la présidentielle de janvier 1982. Il gagne dès le premier tour, avec 167 voix du collège électoral[2], montrant ainsi sa popularité au-delà des partis. Il est par ailleurs le premier président finlandais issu du Parti social-démocrate [3].

Pour la politique extérieure, Koivisto est resté sur une politique de neutralité, il la résumait par le fait d’entretenir de bonnes relations avec ses voisins. Il a également contribué à rapprocher la Finlande de l’Europe, permettant par la suite l’intégration à l’Union européenne. Sa politique intérieure a par contre marqué un changement important. Il a lui-même limité ses pouvoirs en les utilisant avec parcimonie afin de veiller à la garantie du travail parlementaire. Cet affaiblissement des pouvoirs présidentiels dans la politique finlandaise mènent à un retour du parlementarisme qui sera confirmé par le changement de la constitution en 2000.

Mauno Koivisto a aussi en quelque sorte été un « idéal » pour les Finlandais. Son parcours, d’un milieu populaire aux plus hautes études et fonctions de l’état, montre qu’il a surmonté des difficultés pour s’instruire tout en gardant une modestie, chère aux Finlandais.

La disparition de Koivisto, est aussi marqueur d’une époque révolue pour la Finlande. Un rappel que le nombre de vétérans de guerre se réduit d’année en année mais aussi un rappel d’une période, la guerre froide, dans laquelle la Finlande s’appuyait sur des hommes forts (Paasikivi, Kekkonen et Koivisto) pratiquant une politique extérieure qui avait pour objectif de garder de bonnes relations avec les voisins, en particulier celui de l’Est.



Marie Cazes, l’auteure est doctorante à l’Université de Caen Normandie.



Quelques références  pour plus d’informations : dans Histoire politique de la Finlande par Seppo Hentilä, Osmo Jusila et Jukka Nevakivi (chapitre 18 à 22 pp424-464) et aussi la bibliographie officielle (en finnois ou en anglais) http://www.kansallisbiografia.fi/kansallisbiografia/henkilo/633



[1] Pour pallier toute lacune éventuelle sur les conflits de la Seconde guerre mondiale en Finlande : la guerre d’hiver oppose la Finlande à l’Union soviétique entre novembre 1939 et mars 1940, malgré les lourdes pertes affligées à l’URSS, la Finlande perd. Entre juin 1941 et septembre 1944 la Finlande s’oppose à l’URSS avec une alliance militaire à l’Allemagne nazie, dans le but de reconquérir ses territoires, dans la guerre de continuation. Enfin, la guerre de Laponie oppose la Finlande à l’Allemagne nazie entre septembre 1944 et avril 1945.
[2] Jusqu’en 1988 les citoyens finlandais élisaient 301 grands électeurs (300 avant 1982), lesquels votaient pour le président. Les élections présidentielles de 1988 ont été un mélange de suffrage universel direct et de grands électeurs. Pour l’anecdote, la femme et la fille de Mauno Koivisto ont été parmi ses grands électeurs en 1982.
[3] Sur un plan plus général de la politique finlandaise, les sociaux-démocrates ont la présidence de la république pendant 30 ans après cette élection (Koivisto de 1982 à 1994, Matti Ahtisaari entre 1994 et 2000, puis Tarja Halonen de 2000 à 2012). La fin de « l’hégémonie » du Parti social-démocrate dans les élections présidentielles de 2012, s’inscrit dans une baisse généralisée de la gauche dans l’ensemble de l’Europe (à quelques exception près, comme par exemple la Suède).

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