dimanche 15 mars 2020

Populistes et environnement : évolution du discours en Finlande


Les partis populistes de droite sont loin d’être connus pour leurs politiques environnementales. Néanmoins, si ce thème politique n’est pas au cœur de leur idéologie, son importance croît progressivement. comme l’ont démontré les dernières élections législatives en Finlande[1], les débats politiques ont tendance à s’orienter de plus en plus sur la question climatique. Ces préoccupations environnementales ne sont par ailleurs pas si récentes, puisqu’en Finlande les premiers programmes de partis politiques sur les énergies et/ou l’environnement remontent aux années 1970, décennie marquée par les chocs pétroliers.


Le premier parti politique finlandais à avoir publié un programme d’écologie fut un parti populiste, le Parti Rural de Finlande (prédécesseur du Parti des Finlandais[2]) en 1978. Ce programme était particulièrement novateur pour l’époque puisque les mouvements écologiques débutaient seulement dans ces années-ci[3]. D’autres partis politiques, tel que le Parti social-démocrate ou la Ligue démocratique du peuple finlandais (communiste), ont abordé la question des énergies, mais plus dans une critique anticapitaliste et en promouvant des énergies accessibles pour toutes les classes sociales, dans un contexte économique marqué par les chocs pétroliers des années 1970. Concernant le sujet des énergies, Veikko Vennamo[4], le leader historique du  Parti Rural de Finlande, était un opposant farouche au nucléaire, alors qu’à l’heure actuelle le Parti des Finlandais considère que le nucléaire doit être « la colonne vertébrale de la production d’électricité ».

Jusque dans les années 2010, le Parti des Finlandais portait un intérêt limité à la question écologique. La politique environnementale du parti a connu un tournant récent, en 2016, quand le parti a par exemple critiqué les éoliennes pour les dangers que ces dernières pourraient causer sur la santé humaine et celle des chauve-souris. Cette critique totalement infondée et réfutée par l’institut national de la santé, était orientée contre la construction d’éoliennes et servait principalement une stratégie discursive populiste[5], et elle était aussi présente dans leur programme pour les élections municipales de 2017[6].

Dans la dernière campagne pour les élections législatives, le Parti des Finlandais, a accentué son opposition au discours « d’hystérie environnementale » des autres partis. Un des slogans de leur programme de politique environnementale pour les élections de 2019 était « une cheminée d’usine en Finlande est une action écologique ». Un des arguments derrière cette phrase est que selon eux les industries en Finlande polluent moins que dans des pays moins respectueux de certains accords environnementaux. Par ailleurs, dans ce programme, la nature est évoquée à travers des paysages typiquement finlandais qui sont à protéger, rejoignant ainsi un esprit national-romantique[7], alors que les autres partis politiques (et le Parti Rural de Finlande en son temps) parlent de la planète de manière générale. La rhétorique nationaliste est donc sous-jacente aussi dans cette question politique.

Un autre point plus inquiétant du programme actuel de politique environnementale du Parti des Finlandais est qu’il sert aussi leur thème de prédilection : l’immigration. Effectivement, selon leur programme, l’immigration de personnes des pays en voie de développement vers le Nord est une source de pollution, car ces immigrés s’adaptent au mode de vie occidental de surconsommation… En plus de refuser ces migrants sur leur territoire, une des solutions prônées par le parti pour lutter contre le réchauffement climatique et l’immigration est donc la régulation des naissances dans ces pays par un accès à l’éducation des femmes.

Enfin, cette radicalisation de leur discours fait écho à certaines idées de l’extrême droite néonazie sur l’environnement. Dans l’idéologie de l’extrême-droite la question environnementale est ancrée depuis longtemps[8], notamment avec l’éco-fascisme dont par exemple l’auteur des attentats de Christchurch s’est revendiqué. Il existe également dans le discours d’extrême-droite une critique du discours écologiste des partis politiques en place, considérés comme faisant partie d’une conspiration organisée.



Marie Cazes, l’auteure est doctorante en science politique à l’Université de Jyväskylä.


[2] Le Parti Rural de Finlande-Suomen Maaseudun Puolue (populiste centre-gauche) fait faillite en 1995 et, juste après ses anciens membres créent le Parti des Finlandais - Perussuomalaiset.
[3] Les Verts devient un parti politique en 1988 en Finlande, néanmoins deux députés issus d’un mouvement écologiste sont élus en 1983. Le mouvement avait commencé de manière marginale dès 1976 et pris de l’ampleur en 1979 avec la protestation contre l’asséchement du lac de Koijärvi.
[4] Veikko Vennamo (1913-1997), fonda le Parti Rural de Finlande en 1959 et restera à la tête du parti jusqu’en 1979, date à laquelle il passe le pouvoir à son fils, Pekka Vennamo. Veikko Vennamo a été député entre 1945 et 1962 et de 1966 et 1987.
[5] Les chercheurs Niko Hatakka et Matti Välimäki ont publié un chapitre sur la rhétorique anti-environnementale utilisée par le Parti des Finlandais https://www.taylorfrancis.com/books/e/9781351104043/chapters/10.4324/9781351104043-9
[7] La même rhétorique s’observe chez les Démocrates de Suède.

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