Lors des élections parlementaires d’avril 2019, le parti du Centre avait
réalisé son pire score depuis un siècle[1].
Suite à cette défaite, Juha Sipilä, leader du parti depuis 2012, annonçait se
retirer et Katri Kulmuni fut élue à la présidence du Centre en septembre 2019,
sur la promesse de faire remonter le parti dans les sondages. Une mission qui
jusqu’à présent est un échec, surtout après la révélation de financement de
cours de communication pour Kulmuni et payé avec l’argent du ministère. Cette
crise de popularité n’est cependant pas récente et a des ancrages plus anciens.
Fondé en 1906 sous le nom d’Alliance agraire, le parti du Centre de
Finlande est un des plus anciens partis politiques finlandais. Electoralement,
le parti prend de l’importance dans les années 1920, avec l’accession de Lauri
Kristian Relander puis de Kyösti Kallio à la présidence de la jeune république,
et par la suite dans la période d’après-guerre avec Kekkonen[2].
Le parti change son nom dans les années 1960 en Parti du Centre pour élargir
son électorat aux milieux urbains qui sont en pleine expansion à cause de
l’exode rural.
On peut faire remonter la crise actuelle du parti à l’entrée de la Finlande
dans l’Union européenne en 1995. Effectivement, si des partis comme les
Sociaux-démocrates et la Coalition nationale avaient annoncé être en faveur de
l’adhésion à l’Union européenne, le parti du Centre a mis plus de temps avant
de se décider, car l’électorat rural et centriste était contre l’Union
européenne. C’est donc contre l’opinion de sa base électorale que le parti du
Centre est devenu pro-européen, et cela s’est vu lors du référendum d’adhésion
où les campagnes ont majoritairement voté contre[3].
Dans les années 2000, plusieurs scandales viennent bousculer le parti. Le
premier scandale eut lieu en 2003, juste après les élections parlementaires
lorsque la nouvelle Première ministre, Anneli Jäätteenmäki se retrouve accusée
d’avoir révélé des informations secrètes sur la guerre en Irak. Elle fut
poussée à la démission.
En 2010, c’est un autre Premier ministre centriste, Matti Vanhanen, qui
démissionne à cause d’un scandale de corruption lié au financement de campagne
électorale. Lors des élections de 2011, le parti du Centre perd beaucoup de
voix, une bonne partie de son électorat se tourne vers le parti des Vrais
Finlandais. Le parti populiste avait basé sa campagne sur un discours
eurosceptique, critiquant les aides financières accordées à la Grèce. La
critique des « vieux partis » et de leurs dérives est aussi un élément
récurent du discours du parti des Vrais Finlandais.
Après un rebond dans les élections de 2015, les politiques d’austérité
menées par le Premier ministre centriste Juha Sipilä n’ont pas satisfait
l’électorat, ce qui a conduit le parti du Centre à une défaite historique dans
les élections d’avril 2019. Après l’élection à la tête du parti de Katri
Kulmuni, le Centre est resté très bas dans les sondages.
La révélation début juin du financement de cours privés de communication
pour Kulmuni, alors ministre des Finances, à hauteur de 50 000 euros, payés par
le ministère de l’Economie et sans appel d’offre a créé un scandale. Après
avoir annoncé qu’elle payerait d’elle-même ses cours, Katri Kulmuni a
finalement démissionné de sa fonction ministérielle le 5 juin[4]. Elle
a été remplacée par Matti Vanhanen.
Katri Kulmuni reste leader du parti du Centre et se représentera lors des
élections internes à la fin de l’été mais ses chances de réélections sont à
l’heure actuelle très incertaines. Suite à cette nouvelle affaire, le parti
s’enfonce dans une crise qui a des origines anciennes. Si le parti du Centre
veut rester un parti important dans la politique finlandaise il lui faudra se
renouveler.
Marie Cazes, l’auteure est doctorante en science politique à l’Université
de Jyväskylä.
[1] Cf le billet
de mai 2019 https://vuedunord.blogspot.com/2019/05/resultats-des-elections-parlementaires.html
[2] Urho Kekkonen
(1900-1986) a été par cinq fois Premier ministre dans les années 1950 avant
d’être élu président de la république de Finlande en 1956, une fonction qu’il
abandonne pour raisons de santé en octobre 1981. Il n’a jamais dirigé le parti
du Centre mais y a eu une grande influence.
[3] Lors du référendum du 16 octobre 1994 sur l’adhésion de la Finlande à
l’Union européenne, les municipalités rurales ont voté non à 55% alors que les
municipalités urbaines ont voté oui à 63%. Sur l’ensemble du territoire
finlandais, le vote du oui l’a emporté avec 57% des voix. (source https://www.doria.fi/bitstream/handle/10024/152310/xeuvaa_199400_1994_dig_4.pdf?sequence=1&isAllowed=y )
[4] Sur la
question de la transparence dans les pays nordiques voir https://vuedunord.blogspot.com/2017/02/la-transparence-des-pays-nordiques-un.html
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